Patagonia

En Patagonie, tout semblait réuni pour réussir… et pourtant, nous avons dû renoncer. Une fenêtre météo manquée, un mental à bout, et l’échec s’invite dans l’aventure

9/25/20252 min temps de lecture

Les échecs… (Non pas cela ♟)

J’ai longtemps gardé mes notes d’expédition pour moi. Mais je crois qu’il est temps de les partager. Surtout quand il s’agit d’échec, d’abandon, de ces choses qu’on préfère taire.

En 2023, après mon séjour en Patagonie, le goût amer de l’échec et de la culpabilité ne m’a jamais quitté. Notre objectif avec mon partenaire de cordée était de gravir l’Aguja Guillaumet. Pour les connaisseurs, c’est un sommet voisin du Fitz Roy.

Après une première tentative avortée à cause de la météo, nous nous tournons vers l’Aguja de l’S.

Voici mes notes :

"Difficile de poser des mots sur ces semaines passées en Patagonie… Le moral et le mental ont été mis à rude épreuve ! Après une pseudo-fenêtre météo qui n’en était pas une, nous avons rebroussé chemin au pied de la face du Guillaumet. La météo annonçait une superbe fenêtre de 4 jours juste après. Le temps de redescendre, de se remobiliser et de repartir.

Par envie de nouveauté, nous décidons de tenter l’Aguja de l’S. Le topo mentionne un bivouac à mi-approche, une petite cave avec seulement 2 places de tentes. Craignant la foule annoncée avec le beau temps, nous optons pour une autre stratégie : dormir au campement Poincenot. (Première erreur, car en réalité, le bivouac était bien plus spacieux)

00h, départ de Poincenot. Le dénivelé jusqu’au pied de la voie n’est pas astronomique : environ 1 100 m, plus 450 m d’escalade. Sur le papier, ça passe.

Grosse journée ensoleillée, on a le temps.

Mais dans le pierrier, nous nous perdons un peu. Le moral n’est pas là. Je ne suis pas engagée, et je finis par craquer.

Difficile de dire si c’était le manque de repos, ou si je n’avais pas réalisé la chance que nous avions avec cette fenêtre météo. Mais je n’étais pas là, comme absente. Et quand le mental flanche, le moindre détail compte.

Je n’ai pas la force de nous relancer, et nous renonçons.

Tous les voyants étaient au vert, difficile de croire que j’ai pu abandonner si vite. J’ai du mal à comprendre ce qui a pu se passer dans ma tête à ce moment-là pour que je puisse me dire que c’était "ok" de laisser passer notre chance.

Il est évident que cela a beaucoup à m’apprendre sur le mental, 100 % responsable de cet abandon. Très difficile de retourner à la maison avec cette amertume.

Les sommets et la météo sont impardonnables : soit tu prends ta chance quand elle est là, soit tu acceptes qu’il n’y en aura peut-être pas de deuxième. J’ai manqué la mienne, et j’ai mis en péril celle de ma cordée.

On peut toujours réécrire l’histoire : et si on avait été 3, et si on avait été au bivouac… Les faits sont là : la fenêtre est manquée. (...)

Peut-être qu’un jour, quand le temps aura fait son travail, il sera temps de mettre mon ego de côté et de revenir jouer dans cette Patagonie impardonnable."

Écrit sur le vif, ce récit respire le doute et la fatigue. Pourtant, quelques jours plus tard, une dernière fenêtre météo s’ouvre… et l’Aguja Guillaumet nous attend...